La détection des CTXs constitue, encore aujourd’hui, un véritable défi technique en raison de la nature même des toxines, de la multiplicité des congénères à détecter et de leur présence parfois à l’état de trace dans les chairs contaminées. Cependant, même si plusieurs tests de détection sont aujourd’hui disponibles, il n’existe à l’heure actuelle aucun test de référence dûment validé par la communauté scientifique, sur lequel pourraient s’appuyer les pouvoirs publics pour la mise en place de règlementations. Actuellement, le seul moyen fiable de dépister un organisme contaminé par des CTXs consiste à recourir à des tests de laboratoire basés soit sur le mode d'action de ces toxines (ou tests fonctionnels), soit sur leurs propriétés physico-chimiques.

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Les tests in vivo

Historiquement, le test biologique sur souris ou « mouse bio-assay » (MBA) a été le premier test utilisé pour la détection des CTXs. Il repose sur l'injection intra-péritonéale (i.p.) ou intraveineuse (i.v.) de l'extrait à analyser, puis sur un suivi des symptômes et l’observation du temps de survie des souris injectées sur une durée déterminée (généralement une période de 24h - 48h). Plusieurs familles d’animaux, autres que la souris ont été utilisées : chats, poussins ou mangoustes qui offrent une meilleure sensibilité mais nécessitent de disposer d’une grande quantité d’extraits et les méthodes utilisant des invertébrés tels que les moustiques, les écrevisses, les larves de diptères ou de crevettes. L’ensemble de ces tests qui pèchent tout de même par leur manque de sensibilité et de spécificité est aujourd’hui progressivement remplacé par d’autres méthodes respectant la règle des 3R : « Reduce, Refine, Replace » (réduire, améliorer, remplacer). Ces méthodes sont basées sur les propriétés chimiques, pharmacologiques et immunologiques des CTXs.

     

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Les tests fonctionnels

Le test de radioligand-récepteur ou « Receptor binding-assay » (RBA) est un test neuropharmacologique sur l’affinité spécifique des CTXs et des brévétoxines (PbTxs) pour le site 5 des sous-unités alpha des CSDPs présents au niveau des membranes des cellules excitables. Dans le cas de la détection des CTXs, le RBA mesure la liaison à ce récepteur d’une toxine radio-marquée, la PbTx tritiée ([3H]PbTx-3), en compétition avec les CTXs non radio-marquées contenues dans l’extrait à tester. Particulièrement bien adapté à la détection des CTXs dans des matrices biologiques complexes et variées, le RBA offre une sensibilité élevée (limite de détection de l’ordre de 10-10 M) et autorise l’emploi d’extraits bruts ou partiellement purifiés. Il apparaît économiquement plus viable que le bioessai sur souris car facilement automatisable pour permettre une grande capacité de traitement, ce qui en fait un outil de choix dans les programmes de surveillance à grande échelle du risque ciguatérique. Toutefois, l’utilisation d’un tel test apparaît difficilement généralisable en raison des contraintes règlementaires qu’imposent la détention et la manipulation de radioéléments. Par contre, le marquage récent de la brévétoxine avec un élément fluorescent permet d'espérer une plus grande applicabilité de ce test.

Le test de cytotoxicité cellulaire ou « Cell based-assay » (CBA) est un autre test fonctionnel permettant d'évaluer la « toxicité globale » d’un échantillon, par mesure de la viabilité d’une lignée cellulaire en culture. Ce test est adapté à la détection d’un large panel de toxines marines : e.g. celles agissant sur les CSDPs (saxitoxines & tétrodotoxines, brévétoxines & ciguatoxines), celles ciblant la pompe Na+/K+-ATPase (palytoxines), les maïtotoxines qui agissent sur les canaux calcium dépendant du potentiel ou CCDPs, l’acide okadaïque qui inhibe les protéines sérine/thréonine phosphatases, ou encore les pecténotoxines et les dinophysistoxines,…. Outre cette modularité vis-à-vis de la détection d’une large gamme de biotoxines marines, le CBA s’avère également très sensible (10-12 M) et reproductible, ce qui en fait un excellent candidat comme test de référence pour la détection des CTXs.

                                            

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Les tests immunologiques

Différents tests immunologiques ont également été développés pour la détection des CTXs : le test radio-immunologique ou radioimmunoassay (RIA), ou encore le test en « sandwich » ou enzyme-linked immunosorbent assay (ELISA). Ces tests se basent sur le principe d’une reconnaissance hautement spécifique entre un anticorps (anticorps anti-CTXs) et son antigène (CTXs). Théoriquement, cette approche est considérée comme la plus prometteuse pour la mise au point d’un test de détection à la fois rapide, fiable, sensible (jusqu’à 5×10-12 M) et de faible coût. Son principe opératoire permet également d’envisager le criblage à haut débit d’échantillons marins et surtout son utilisation directement sur le terrain par des particuliers. Pour l’heure, deux tests basés sur ce principe ont été commercialisés: le CIGUATECT™ et le Cigua-Check® (ToxiTec Inc./Oceanit), mais ces kits ont finalement été retirés du marché, en raison notamment de l’observation d’un fort pourcentage de faux positifs et de faux négatifs.

La complexité et la diversité chimique des CTXs, leur faible immunogénicité naturelle inhérente à leur caractère polyéther polycyclique, de même que la faible disponibilité en standards purs expliquent, en partie, les difficultés patentes pour aboutir au développement d’un test fiable.

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Les tests physico-chimiques

Les tests physico-chimiques (e.g. CLHP, CL-SM/SM) reposent sur des techniques de chromatographie liquide haute pression couplée à la détection de chaque famille de toxines par ultra-violet (UV), fluorescence, ou spectrométrie de masse en tandem. Ces tests permettent de discriminer et de quantifier les différents congénères de CTXs au sein d’une même famille toxinique avec une très bonne sensibilité, mais imposent comme préalable de disposer des standards purs correspondants. De ce fait, les principales limites de cette technique résident dans le fait qu’elle ne permet pas la détection de nouvelles familles toxiniques et, contrairement aux tests dits fonctionnels, ne donne pas non plus d’indication sur la « toxicité globale» d’un échantillon. Enfin, ce type de méthodologie apparaît difficilement adaptable à un criblage à haut débit des CTXs car il nécessite généralement plusieurs étapes préliminaires de purification chimique des matrices biologiques à tester. De ce fait, l’utilisation de ce type de tests reste le plus souvent réservée à des analyses de confirmation.

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Les tests traditionnels

La présence de CTXs n’altérant en rien l’apparence, l’odeur, la couleur ou le goût des poissons toxiques, les populations insulaires confrontées quotidiennement au risque de ciguatéra ont ainsi, petit à petit, développé toute une panoplie de tests traditionnels pour tenter d’évaluer la dangerosité d’un poisson. Selon l’île considérée, plusieurs méthodes de dépistage des poissons toxiques issues du folklore local ou d’une longue pratique ancestrale sont préconisées dans les îles du Pacifique. Ces tests traditionnels sont pratiqués soit en nourrissant des animaux ou des insectes avec un morceau de chair ou de foie du poisson concerné ; soit en utilisant une pièce de monnaie en argent ou des allumettes ; soit en se basant sur l’aspect du poisson entier ou de certains de ses organes.

Une étude a permis de vérifier l’efficacité de deux tests de détection traditionnels (méthode de la rigidité cadavérique et du test hémorrhagique) dont les résultats ont été comparés en laboratoire avec le test RBA. En dépit d’un taux de prédictibilité n’excédant pas 70%, le recours à ces tests, combiné avec la bonne connaissance que les populations locales ont généralement des espèces et des sites de pêche les plus à risque de leur lagon, pourrait contribuer à diminuer sensiblement le risque d’intoxication dans les communautés fortement dépendantes des ressources pisciaires, sous réserve que les utilisateurs des tests aient une longue pratique des dits-tests. La possibilité pour les populations insulaires des archipels isolés ou éloignés de recourir à des tests traditionnels validés, réalisables sur le lieu même de pêche et à moindre coût, pourrait donc représenter au quotidien un atout indéniable en matière de gestion du risque de ciguatéra.

 

Exemples de tests traditionnels utilisés par les pêcheurs de Polynésie française afin de différencier les poissons toxiques des poissons sains.

 
 
 

 Pour plus de détail sur les tests de détection:

Pasinszki T, Lako J, Dennis TE. Advances in Detecting Ciguatoxins in Fish. Toxins (Basel). 2020 Jul 31;12(8):494. doi: 10.3390/toxins12080494. PMID: 32752046; PMCID: PMC7472146.

 

 

 

 

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