Dr.Sc. Clémence Mahana iti  GATTI

Chargée de Recherche - Laboratoire des Biotoxines Marines

INSTITUT LOUIS MALARDE

 
   

Après l’obtention d’un doctorat en physiopathologie dédié aux atteintes neurologiques associées aux intoxications par biotoxines marines, et une formation à l’épidémiologie au Canada, le Dr. Gatti a rejoint le Laboratoire des Biotoxines Marines dirigé part le Dr. Mireille Chinain, situé au sein de l'Institut Louis Malardé, basé à Papeete (Tahiti), afin d’y développer la recherche biomédicale et la surveillance épidémiologique de la ciguatéra. En 2014, elle complète sa formation par l'obtention d'un Diplôme Universitaire de "Méthodes en Recherche Clinique" (Université Bordeaux II). A ce jour, le Dr Gatti intervient en tant qu'expert auprès de l'IOC-UNESCO, l'AIEA, l'OMS et la FAO et apporte son soutien aux pays désireux d'instaurer une surveillance de la Ciguatéra.

                                 
       
 

Dr.Sc. Mireille CHINAIN

Chef d'Unité- Laboratoire des Biotoxines Marines

INSTITUT LOUIS MALARDE

 
   

Le Dr. Chinain a poursuivi ses études à dominante biologique à l'université de Bordeaux I, puis Montpellier II où elle obtient un doctorat en Sciences Biologiques à l'université des Sciences de Techniques du Languedoc. De retour en Polynésie, elle intègre, en 1990, l'Unité d'Océanographie Médicale de l'ILM alors spécialisée dans le domaine de la ciguatéra depuis déjà une vingtaine d'années. Elle travaille à la mise au point de cultures in vitro de l'agent causal de la ciguatéra, le dinoflagellé Gambierdiscus. Elle est à l'origine de la constitution d'une algothèque inédite riche de plusieurs souches hautement toxiques de cette micro-algue, qui sont actuellement utilisées pour la production en masse de ciguatoxines (CTXs). Grâce aux efforts fournis durant les précédentes décennies, son laboratoire détient désormais une banque unique de CTXs purifiées.

En 2000, Mireille est nommée à la direction de l’unité, rebaptisée depuis le Laboratoire des Biotoxines Marines (LBM) où elle gère l’ensemble des programmes de recherche sur la Ciguatéra.  Mireille gère également les programmes de surveillance de terrain et de gestion des risques dans les lagons de la Polynésie française et de la région Pacifique.

Ses travaux ont été récompensés à plusieurs reprises par des distinctions nationales et internationales parmi lesquels le Prix Trégouboff en 2005 ( Académie des Sciences de Paris, France), le Prix Albert Sézary en 2006 ( Académie Nationale de Médecine, Paris , France) et le Prix Tyge Christensen en 2010 ( International Phycological Society).

 

 

 

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LABORATOIRE DES BIOTOXINES MARINES

Plus de 50 années de Recherche intégrée sur la Ciguatéra

 
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 En savoir plus sur les activités du Laboratoire des Biotoxines Marines.

 
 

 

 

 
     
 

Dr. Erwan Oehler

Médecin conseil en Ciguatéra

Centre Hospitalier de Polynésie française

 
 

Le Dr. Oehler est né en 1977 en Bretagne qu’il a quitté pour réaliser plusieurs stages d’interne en médecine au Centre Hospitalier de Tahiti en 2005. C’est là qu’il a découvert la ciguatéra, cette intoxication par les poissons tropicaux, peu connue en France métropolitaine. Vite intéressé par le sujet, il a décidé d’en faire son sujet de thèse de médecine générale puis de le présenter comme mémoire de médecine tropicale. Revenu à Tahiti à la fin de ses études, il exerce depuis 2010 dans le service de médecine interne et polyvalente du Centre Hospitalier de Polynésie française où il a l’occasion de prendre en charge les patients hospitalisés pour ciguatéra. C’est au contact de jeunes internes métropolitains, qui découvrent comme lui quelques années auparavant ce sujet énigmatique, qu’il a eu l’occasion de diriger des travaux de thèse sur les patients hospitalisés pour ciguatéra.

Fort de son expertise dans le domaine de la prise en charge médicale des cas de ciguatéra, Erwan collabore avec l'équipe du LBM en tant que « médecin conseil ».
 
       

 

                 
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Raivavae

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Rurutu

Tubuai

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mangareva

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Peu de pays disposent d’une veille sanitaire permettant de collecter de façon spécifique et continue les données d'intoxications liées à la Ciguatéra. C'est la raison pour laquelle il est difficile d'avoir une idée précise de l'ampleur du phénomène et de son évolution à l'échelle globale.

Toutefois, suite à l'expansion récente de l'algue toxinogène et des cas autochtones de ciguatéra dans des régions jusque-là épargnées, plusieurs initiatives, locales, régionales et internationales, visant à améliorer le décompte des cas et mieux caractériser le risque ciguatérique, sont en train d'émerger.

La Polynésie française, particulièrement concernée par la ciguatéra, fait figure de pionnière en terme de surveillance épidémiologique de l'intoxication. Ce territoire insulaire du Pacifique, vaste comme l'Europe, dispose d'un réseau de veille sanitaire spécifiquement dédié, permettant de suivre l'évolution des cas d'intoxication de façon continue et en temps réel.

Les URGENCES en phase aiguë (formes sévères de ciguatéra)

Les urgences à traiter en phase aigüe de l'intoxication sont les troubles hémodynamiques et hydroélectriques susceptibles d’entrainer un état de choc pouvant s’avérer mortel chez les sujets sensibles. L’utilisation d’importants volumes de solutés isotoniques et d’amines vasopressives peut alors s’avérer nécessaire.

Lintubation, bien que très rarement appliquée, peut s’avérer nécessaire en cas de coma ou de polyradiculonévrite aiguë.
Enfin, des corticoïdes peuvent être administrés si la situation le nécessite.                                

 

Prise en charge des troubles digestifs

En général, les premiers signes de l'intoxication sont d’ordre digestif.

 

Les diarrhées répondent généralement bien aux antidiarrhéiques de type racécadotril (Tiorfan®) ; les vomissements aux antiémétiques et les douleurs abdominales aux antispasmodiques classiques.

Dans les cas sévères, on peut procéder à une décontamination au charbon activé (si administré dans les 3-4 heures après l’intoxication), ainsi qu’a un lavage gastrique, toutefois leur utilisation est contre-indiquée en cas de vomissements.

En général, ces troubles disparaissent au bout de quelques jours.

Prise en charge des troubles cardiovasculaires

Ces troubles sont rencontrés dans les formes sévères et témoignent le plus souvent d’une exposition à d’importantes quantités de toxines. Leur survenue nécessite en général une hospitalisation d’urgence .

 

La bradycardie et l’hypotension seront traitées par atropine administrée en intraveineuse ou intramusculaire (0.5 à 1mg, toutes les 5 minutes si nécessaire) jusqu’au maintien d’une fréquence cardiaque stable supérieure à 60 bpm.

 

On peut également l’associer a des analeptiques cardiaques (isoprénaline,…) dans le cas de bradycardie rebelle et à la pralidoxime (Contrathion®,… ; 200 à 1000 mg en perfusion lente) pour son pouvoir régénérateur de cholinestérases.

 

Enfin, une réhydratation s'impose en cas d'hypotension sévère.

Prise en charge des troubles neuromusculaires

DOULEURS

Les myalgies, arthralgies, céphalées, etc, sont calmées par des antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens (paracétamol, aspirine, ibuprofène, indométacine,…).

 

PRURIT

Le type de prurit rencontré dans la ciguatéra répond relativement bien aux antihistaminiques de type H1 pure: dexchlorphéniramine (Polaramine®,…) ; de type H1 mixtes cyproheptadine (Périactine®,…), hydroxyzine (Atarax®); cétirizine (Virlix®) et aux anesthésiques locaux (lidocaïne,…). Toutefois, leur efficacité reste réduite, compte tenue de l'origine neurologique du prurit rencontré dans la ciguatéra.

 

NEUROPATHIES PERIPHERIQUES ET ASTHENIE

L’administration d’un cocktail multi-vitaminique à base de vitamines B (B1, B6, B12) et C associé à du gluconate de calcium est fréquemment proposée bien que son efficacité n’a pas été formellement démontrée. En phase aiguë de l’intoxication, le traitement consiste en une perfusion intraveineuse lente d’une heure d’un sérum glucosé (250 ml), contenant 1 gramme de vitamine C, 250mg de vitamine B6 et 1 gramme de gluconate de calcium.

Il a été démontré que la forme active de la vitamine B12 (méthylcobalamine), administrée à forte dose, stimule la régénération de structures nerveuses endommagées. Les vitamines du groupe B sont en général connues pour leur rôle neuro-protecteur. La vitamine C, quant-à elle, est utilisée pour ces vertus antiasthéniques et en tant que chélateur de radicaux libres. Enfin, les sels de calcium sont utilisés en raison de la diminution de l’affinité des ciguatoxines pour leurs récepteurs dans un milieu riche en calcium.


PARESTHESIES ET DYSESTHESIES CHRONIQUES

L’amitriptyline (Loraxyl®, Elavil®) et la gabapentine (Neurontin®) sont recommandées dans le soulagement des paresthésies et dysesthésies chroniques de la ciguatéra. En effet, l’amitriptyline administrée à la dose d’environ 50mg/jour en une prise, permettrait d’observer de nettes améliorations (de troubles neurologiques et du prurit) chez certains patients.

Enfin, la cholestyramine (Questran®,…), un hypocholestérolémiant, qui aurait un pouvoir antagoniste vis-à-vis des ciguatoxines, a montré une efficacité sur l’amélioration de symptômes neurologiques chez plusieurs patients.

 

FATIGUE CHRONIQUE

 Il a été démontré que la Fluoxétine (Prozac®), antidépresseur de la classe des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, entrainait une nette amélioration dans le syndrome de fatigue chronique associé à une ciguatéra.

 

Quid du Mannitol?

Le mannitol est classiquement indiqué dans la prise en charge des symptômes neurologiques de la phase aiguë de l’intoxication. Il est préconisé de l’administrer à la dose de 0.5 à 1g/kg de poids corporel sur une durée de 30 à 45 minutes dans les 48 à 72 heures après l’intoxication pour une efficacité maximale. Cependant des améliorations ont été observées avec ce traitement, même plusieurs semaines après l’épisode toxique.

 

Attention: S’assurer avant son d’administrer, que le patient soit correctement réhydraté notamment en cas de vomissements et diarrhées importants. Par ailleurs, sont utilisation est déconseillée en cas d’insuffisance cardiaque.

Plusieurs hypothèses ont été avancées afin d’expliquer les mécanismes par lesquels le mannitol agirait, c.a.d. ses propriétés osmotiques, de chélateur de radicaux libres et/ou d’inhibiteur des dépolarisations successives induites par les ciguatoxines.

 

Bien que controversée, l’utilisation du mannitol dans le traitement de la phase aiguë, voire chronique, de la ciguatéra remporte les faveurs de la majorité des études réalisées.

En savoir plus sur le Mannitol dans la prise en charge des patients atteints de Ciguatéra:

 

 

Mesures hygiéno-diététiques post-ciguatéra

Une des spécificités de la Ciguatéra réside dans la survenue d'une "hypersensibilité" vis à vis d'autres aliments et boissons (indépendamment de la présence de ciguatoxines), voire de facteurs environnementaux (activité physique intense, exposition au soleil, etc); se traduisant par la réapparition ou l'accentuation par pics de quelques heures à quelques jours de certains symptômes liés à l'intoxication (démangeaisons, malaise général, douleur/faiblesse musculaires...).

Afin de limiter l'apparition de ces "crises", il est important de suive un régime alimentaire spécifique, exempt de produits marins, protéines animales (surtout les viandes rouges), alcool, café et fruits à coques durant une période d’un mois minimum ou jusqu'à disparition des symptômes.

 

Il se peut que cette « hypersensibilité » perdure dans le temps (plusieurs mois, voire années). Il est alors recommandé de tenir un carnet des aliments dits « sensibles » et d’y noter les réactions qu’ils déclenchent ainsi que leur intensité. Ces aliments devront être mis de côté pendant plusieurs mois, puis réintroduits, un à un, par petite quantité.

 

Dans certains cas de figure, l'intolérance peut s'étendre à d'autres produits alimentaires, comme les protéines de source végétale, les produits riches en matières grasses, les produits laitiers, les aliments riches en histamines,etc.

 

Ce régime doit être adapté au CAS PAR CAS.

 

Ce phénomène s'estompe spontanément avec le temps.

 

 

Heliotropium Foertherianum

Les traitements que propose la médecine occidentale sont exclusivement palliatifs, ce qui fait que de nombreuses populations insulaires, notamment dans le Pacifique se tournent volontiers vers la médecine traditionnelle.

Aussi, des études ethnobotaniques menées dans le Pacifique ont permis d’établir une liste de près d'une centaine de plantes entrant dans la composition de remèdes traditionnels destinés à traiter la ciguatéra. Ces plantes pourraient contenir des principes actifs qui, non seulement agiraient sur les symptômes, mais encore, pour certains, permettraient au corps humain de se "détoxifier" plus rapidement. C’est en tout cas l’hypothèse qui apparaît à la lumière des témoignages des populations locales et de quelques études in vitro.

 

Parmi ces remèdes, seul celui à base de feuilles d’Heliotropium foertherianum (Boraginaceae, nom vernaculaire : « faux tabac » en Nouvelle Calédonie et « tahinu » ou tohonu » en Polynésie française) a été étudié jusqu’à l’isolement de son principe actif, l’acide rosmarinique

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Heliotropium foertherianum ou "faux tabac" . a) arbuste ; b) arbre; c) feuilles; d) fleur et bourgeons. La faux tabac pousse préférentiellement en bord de mer, sur le sable. © D. Laurent, C. Gatti et F. Rossi

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Comment est fabriqué le remède traditionnel à base de "Faux tabac" ou "Tahinu"?

En Polynésie française, ce remède contre la ciguatéra est très utilisé, notamment dans les îles où l' offre de soin est limitée.

Les îliens, prélèvent entre 5 et 10 feuilles jaunes, qu’ils nettoient et font bouillir dans 1 litre d’eau jusqu’à ce que cette dernière soit réduite à ½ litre. La boisson ainsi obtenue est bue chaude ou froide, en une ou plusieurs prises. Selon la coutume, la consommation de ce remède ne doit pas excéder 3 jours consécutifs.

Pour être efficace, le traitement doit être pris le plus rapidement possible après l’intoxication. Notons également que l’efficacité peut varier d’un arbre à l’autre, dans la mesure où ils ne contiennent pas tous les mêmes concentrations en acide rosmarinique.

L’activité bénéfique de ce remède a été mise en évidence à travers différentes études pharmacologiques dont un essai in vivo sur souris et divers tests in vitro d’électrophysiologie, de neurophysiologie, de physiologie cellulaire et de neurotoxicité. Lors de ces différents tests, il a été montré que le remède traditionnel contrecarrait l’effet toxique engendré par les ciguatoxines.

 

L’acide rosmarinique est l’un des produits majoritaires de l’infusion de feuilles d’H. foertherianum. C’est un composé phénolique ne présentant pas de toxicité notable et dont les effets antioxydants et anti-inflammatoires, ainsi que des propriétés sur le système cardiovasculaire et sur les maladies neurodégénératives déjà connues, peuvent être d’un grand intérêt pour le traitement de la ciguatéra. Son caractère « détoxifiant » a été observé sur cultures de cellules de neuroblastomes et par un test de détection ligand-récepteur.

 

L’acide rosmarinique mais aussi le remède traditionnel à base de feuilles d’ H.foertherianum pourraient donc constituer une alternative de traitement prometteuse pour les intoxications ciguatériques.

 

Plus d'information sur l'effet protecteur d'H. foertherianum vis à vis des CTXs:

Fanny Rossi, Valérie Jullian, Ralph Pawlowiez, Shilpa Kumar-Roiné, Mohamed Haddad, H. Taiana Darius, Nabila Gaertner-Mazouni, Mireille Chinain, Dominique Laurent (2012). Protective effect of Heliotropium foertherianum (Boraginaceae) folk remedy and its active compound, rosmarinic acid, against a Pacific ciguatoxin. Journal of Ethnopharmacology, Volume 143, Issue 1, Pages 33-40, ISSN 0378-8741, https://doi.org/10.1016/j.jep.2012.05.045.

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En savoir plus sur les autres remèdes traditionnels utilisés dans le Pacifique Sud et en Polynésie française pour traiter la Ciguatéra:

Laurent Dominique, Bourdy Geneviève, Amade Philippe, Cabalion Pierre, Bourret Dominique. (1993). La gratte ou ciguatera : ses remèdes traditionnels dans le Pacifique Sud. Paris : ORSTOM, 152 p. (Didactiques). ISBN 2-7099-1171-X. ISSN 1142-2580.

Kumar-Roiné, S., Taiana Darius, H., Matsui, M., Fabre, N., Haddad, M., Chinain, M., Pauillac, S. and Laurent, D. (2011), A Review of Traditional Remedies of Ciguatera Fish Poisoning in the Pacific. Phytother. Res., 25: 947-958. https://doi.org/10.1002/ptr.3396

François Chassagne, Jean-François Butaud, Frédéric Torrente, Eric Conte, Raimana Ho, Phila Raharivelomanana, (2022). Polynesian medicine used to treat diarrhea and ciguatera: An ethnobotanical survey in six islands from French Polynesia. Journal of Ethnopharmacology, Volume 292, 115186. https://doi.org/10.1016/j.jep.2022.115186.

 

              

 

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